Le trouble bipolaire : Les perturbations du fonctionnement cognitif et du traitement des émotions, particulièrement marquées au cours des épisodes aigus, persistent en période intercritique (CAIRN).

Résumé : Le trouble bipolaire constitue un modèle d’interactions pathologiques entre cognitions et émotions dont les mécanismes neurofonctionnels et neuroanatomiques sont encore mal connus. La persistance des troubles cognitifs à distance des épisodes aigus questionne le concept de normothymie. Par ailleurs, l’exploration des processus émotionnels suggère l’implication d’une hyperréactivité émotionnelle et d’un trouble de l’identification des émotions dans le développement des symptômes. Les perturbations émotionnelles pourraient influencer le fonctionnement cognitif ; ces interactions pathologiques seraient sous-tendues par des anomalies fonctionnelles cortico-sous-corticales. L’amélioration des processus cognitifs et émotionnels constitue désormais un objectif de la prise en charge thérapeutique.


  • La régulation des activités cognitives et le contrôle de l’expérience émotionnelle sont des paramètres déterminants de l’adaptation d’un individu à son environnement. Des perturbations organiques ou fonctionnelles de ces processus sont susceptibles d’induire des pathologies cliniquement caractérisées par des troubles du comportement, notamment dans le champ des interactions sociales, et une altération du niveau de fonctionnement. Ainsi, les maladies psychiatriques sont fréquemment étudiées comme modèles de pathologie des interactions entre cognitions et émotions.
  • Au cours des périodes normothymiques, le fonctionnement intellectuel global est comparable à celui des sujets sains. En revanche, les performances des patients bipolaires sont nettement perturbées à de nombreux tests neuropsychologiques.
  • Grave problème mondial de santé publique, le trouble bipolaire affecte entre 1 et 6,5 % de la population selon les critères diagnostiques retenus [3]. 
  • Cette pathologie se situe en 6e position en termes d’années de vie perdues et/ou vécues avec un handicap [40]. La surmortalité des patients bipolaires, multifactorielle, s’explique notamment par un risque de suicide 12,3 fois supérieur à celui de la population générale [2]. Le retentissement fonctionnel est majeur, puisque deux tiers des sujets souffrant de trouble bipolaire sont concernés par une désinsertion professionnelle, alors que les quatre cinquièmes d’entre eux décrivent une altération significative du fonctionnement familial et social. Les conséquences du trouble bipolaire sont d’autant plus préoccupantes que cette pathologie pourrait fréquemment débuter au cours de l’adolescence, voire dès l’enfance [49].(chiffres 2008).
  • Classiquement, le trouble bipolaire est une pathologie cyclique de l’humeur dans laquelle des phases aiguës (dépression, manie, manie mixte, hypomanie) alternent avec des périodes de normothymie considérées comme asymptomatiques. Cependant, certaines données cliniques, telles que la mise en évidence de symptômes hypomaniaques au cours de certains syndromes dépressifs (dépressions mixtes) [6], ou encore la mise en évidence de troubles cognitifs et émotionnels persistants au cours des phases euthymiques.
  • D’après la méta-analyse de Robinson et al. [44], les fonctions exécutives sont principalement concernées (cf.Article).Ces troubles cognitifs sont plus marqués au cours des phases aiguës de trouble bipolaire. De nombreux arguments cliniques (ralentissement ou hyperactivité psychomotrice, distractibilité, troubles du contrôle des impulsions, désinhibition comportementale, conscience limitée des troubles) témoignent de l’existence de déficits cognitifs sous-jacents
  • En phase dépressive comme en phase maniaque, les différents aspects des fonctions exécutives, la mémoire verbale, l’attention sélective et soutenue, la fluence catégorielle et verbale, les habiletés visuo-motrices et spatiales et, selon les études, le fonctionnement intellectuel global, sont déficitaires par rapport à des sujets sains [43]. 
Article : Besnier Nathalie, « Le trouble bipolaire : pathologie des cognitions et des émotions », L'information psychiatrique, 2/2008 (Volume 84), p. 129-135.

URL : 
http://www.cairn.info/revue-l-information-psychiatrique-2008-2-page-129.htm
DOI : 
10.3917/inpsy.8402.0129