4 conseils pour apaiser son émotivité (Revue Psychologies)


Ne pas lutter contre :
  • Pour la psychothérapeute et médecin Catherine Aimelet-Périssol, ce trait de personnalité n’est pas un drame. Il n’est qu’« une façon de ressentir son émotion, de signaler le rapport que nous entretenons avec elle. Mais nous vivons dans une époque où règne un diktat du bien-être. Et comme les émotions que nous éprouvons provoquent inévitablement en nous un temps de mal-être et nous déstabilisent physiologiquement, elles sont de moins en moins acceptées. »
Une émotion est d’abord et avant tout un événement du corps. Un événement qui le déséquilibre momentanément : nausée, transpiration, changement brutal et spectaculaire de couleur de peau…

Combattre ce que nous ressentons en aggrave, voire en décuple, la manifestation, selon Antoine Pelissolo, psychiatre, psychothérapeute et auteur de Ne plus rougir et accepter le regard des autres (Odile Jacob).
Réprimer des émotions ne marche jamais. Quand on essaye de se contrôler, un dérèglement se met en place, car nous voulons supprimer quelque chose qui ne peut pas l’être. Des souvenirs intempestifs peuvent alors émerger. La mémoire et les émotions court-circuitent le cerveau du haut, notre centre de contrôle, le cortex, celui qui réfléchit et prend les décisions. De mauvaises relations se mettent dès lors en place entre le cerveau du bas, le cerveau reptilien, celui qui assure nos fonctions vitales (respiration, température du corps…) et le cortex ; nous savons aujourd’hui que des câblages se font moins bien, que les informations ne circulent pas correctement dans ces moments-là, ce qui peut provoquer des réactions inappropriées ou disproportionnées. » Comme lorsque nous rions au lieu de pleurer à un enterrement. 

Reconnaître la vertu de l'émotion :

Comment en finir avec ces deux faces névrotiques de la même médaille ? En s’apaisant, plutôt qu’en refoulant ou en se libérant du trop-plein de façon démesurée. Cela implique de reconnaître les vertus des émotions, de ne pas les diaboliser. Elles ne surgissent jamais par hasard, rappellent les thérapeutes. « Notre système émotionnel est directement organisé par notre système reptilien. Il a la charge de nous maintenir en vie en nous alertant d’un événement », souligne Catherine Aimelet-Périssol.
Phénomène infra-verbal, l’émotion prend sa source dans les parties archaïques du cerveau, et nous ne nous apercevons de son existence que bien après son déclenchement. Il faut accepter d’être traversé par elle, « c’est une soupape saine et nécessaire qui peut se produire à la suite d’une tension excessive : nous nous détendons, après une période où nous avons été mis sous pression de façon trop forte, ou après trop d’abstraction et de plongée dans des univers virtuels. L’émotion est vraiment une décharge qui va permettre au système neurovégétatif de se ressourcer et de s’équilibrer », définit le psychanalyste Saverio Tomasella. « L’émotivité n’est pas une catastrophe, renchérit Antoine Pelissolo. Ce n’est pas quelque chose qui met votre vie en danger, ni une anomalie grave. C’est une tendance que certains ont. Pour l’atténuer, il ne faut pas tenter de s’en protéger. »
L’émotion se manifeste quand les informations parvenues au cerveau ont mis ce dernier sur le qui-vive. Mais il ne peut traiter qu’une information et demie à la fois. Or, certains d’entre nous, particulièrement sensibles, absorbent un plus grand nombre de données que d’autres, et cette grande réceptivité les expose à des phénomènes de débordement. Saverio Tomasella a pu le constater dans sa pratique : « Généralement, l’émotivité découle de la sensibilité. Les individus sensibles reçoivent plus de stimuli, les accueillent de façon plus vive. Ils ressentent plus intensément que la moyenne, deviennent perméables à un grand nombre d’informations, de sensations, que leur cerveau ne peut pas intégrer correctement parce qu’elles affluent en trop grand nombre. Enfin, l’émotion n’est pas un phénomène rationnel. C’est une donnée complexe liée à la mémoire : elle peut en réveiller une autre, d’autres, et aboutir à un effet domino qui bouleverse complètement le sujet. »

S'isoler quelques minutes :
À ceux dont la machine intérieure s’emballe, Saverio Tomasella recommande de s’isoler, d’essayer de se retrouver seuls avec eux-mêmes quelques instants : « Le seul moyen de s’en sortir est de se réfugier dans la solitude : un bref moment qui peut ne pas durer plus de cinq minutes. » Il s’agit juste d’éviter les stimulations extérieures que notre interaction avec les autres engendre, afin d’être capables de faire face à la situation qui nous a bouleversés. Sinon, un effet boule de neige risque de se produire. Ce moment pour se calmer peut être propice à l’introspection, à une tentative d’élucidation. Car « comme ce phénomène est d’abord physiologique, il est difficile de mettre des images et des mots sur ce malaise diffus, difficile de percevoir, de reconnaître et de nommer soi-même l’émotion », résume le psychanalyste.
S’intéresser au circuit qu’elle emprunte dans le cerveau, porter son attention sur elle permet de ne pas se sentir impuissant et de réduire son émotivité. Catherine Aimelet-Périssol plaide pour un traitement par la connaissance : « La première chose à faire est d’essayer de s’intéresser au fonctionnement et aux mécanismes cérébraux. C’est un outil extraordinaire de connaissance de soi qui peut nous réconcilier avec nos émotions. Ces dernières sont avant tout provoquées par notre système immunitaire. Savoir les repérer et les cartographier nous aide et nous rassure quand nous sommes envahis par elles : comme avec un GPS, cela nous donne des repères pour mieux nous orienter. »

Se relier à son corps :

Il faudrait donc, dans l’ordre, accepter, comprendre, analyser afin de ne plus être collés à l’émotion. Et ensuite ? Tous les thérapeutes préconisent un retour au corps. Il s’agit de reprendre contact, de se familiariser avec lui. Ce traitement du mal par le mal dépend de chacun. « Il peut prendre la forme d’une activité soit énergique pour ceux qui ont besoin de décharger leurs pulsions, leurs tensions (course à pied, sports intenses…), soit apaisante (yoga doux, marche dans la nature) », détaille Antoine Pelissolo.
L’émotivité a évidemment un lien avec la respiration. Tout s’emballe quand le souffle se bloque. Il faut essayer de le travailler pour qu’il devienne ample et doux. Saverio Tomasella précise : « La méditation ou alors des mouvements très simples du corps, des balancements, des petits sautillements, calment et libèrent la respiration. En plus de cela, je recommande une activité artistique aux personnes très sensibles. Peu importe laquelle du moment qu’elle passe par le corps : danse, chant, peinture, sculpture… » Le théâtre, la comédie sont également citées par Antoine Pelissolo comme excellent antidote : « Endosser un rôle permet de vivre des émotions, d’en garder le contrôle sans tenter de les supprimer, de les maîtriser sans tenter de les tuer. » Un moyen ludique de ne plus se sentir manipulé par elles, comme les fils qui agitent des pantins désarticulés. De cesser, avec bonheur, d’en être le jouet.

Que faire si vous vous sentez "agressé(e)" ?

Les suggestions d’Antoine Pelissolo, psychiatre et psychothérapeute.
Le dialogue semble possible : « Exprimez-vous de la manière la plus posée mais aussi la plus ferme possible, sans agressivité. Rappelez vos droits, argumentez et répétez à l’autre : “Je ne peux pas accepter cela.” C’est ce que nous appelons la technique du disque rayé. »
Le dialogue est impossible : « Face à quelqu’un qui hurle, arrêtez toute discussion et dites : “Nous poursuivrons cette conversation plus tard.” Pour y parvenir plus facilement, travaillez votre confiance en vous et votre capacité à vous affirmer. Entraînez-vous éventuellement au calme : exercez-vous à dire ce que vous avez à dire seul devant votre glace. Cela peut paraître ridicule mais ne l’est absolument pas. Et c’est très efficace. »
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