Être partout, tout le temps, tout de suite : les risques de l'hyperconnexion (Le cercle psy).


L’attention, la mémoire, les relations à autrui, le sens donné à son travail… Tout cela peut être menacé par une connexion permanente. Certains salariés, conscients du danger, se méfient pourtant du droit à la déconnexion.


Les études et enquêtes se suivent et se ressemblent un peu... 37 % des actifs auraient du mal à déconnecter en dehors du temps de travail, selon une étude du cabinet Eléas, spécialisé dans la prévention des risques psychosociaux, publiée en octobre 2016. Selon cette même étude, 81 % des cadres utiliseraient plus de trois heures par jour les outils numériques. Et s’ils sont majoritairement vus comme un véritable progrès, dans le monde professionnel notamment, ceux-ci peuvent parfois se retourner contre leurs utilisateurs.

  • Le multitasking, ça n’existe pas :

« Nous ne sommes pas multitâches, ça n’existe pas, martèle Thierry Baccino, chercheur en psychologie cognitive au laboratoire Cognitions humaine et artificielle de l’Université Paris- VIII. Lorsque nous croyons réaliser plusieurs tâches, en fait nous faisons du switching, c’est-à-dire que nous passons très rapidement d’une tâche à l’autre, parce que nous ne pouvons réaliser qu’une seule tâche à la fois. Le problème est que ces multiples basculements, qui impliquent d’ailleurs un certain temps pour se remettre à la tâche initiale, sont préjudiciables à une attention soutenue. Nous éprouvons alors des difficultés à nous concentrer… »
  • La recette donc, pour Thierry Baccino : se donner des règles. Par exemple, faire des pauses, pendant son travail, le week-end, ou ne serait-ce que se couper de ses e-mails, une heure ou deux, le temps de travailler sur certains dossiers. Mais s’imposer des règles au quotidien (et les respecter scrupuleusement) n’est pas toujours évident tant nous sommes constamment sollicités, séduits par ces lumières rouges, vibrations, musiques, qui viennent s’incruster jusque dans notre lit, parfois, quand on a pris l’habitude de répondre aux e-mails la nuit, et de les surveiller dès le réveil, comme c’est le cas pour un bon nombre de cadres, entre autres.

  • L’idéologie du travailleur passionné

L’objectif de la thèse de Cindy Felio était aussi d’observer comment les cadres cherchent à mettre en place des « stratégies » de déconnexion, lorsqu’il en est encore temps. « Ces stratégies sont strictement individuelles. C’est sur les épaules des cadres que repose la responsabilité de la régulation des usages numériques. Ils se dépatouillent au quotidien… » Alors que, parfois, c’est bien une mauvaise organisation du travail qui provoque, par compensation, un usage intensif du numérique. Les organisations doivent donc aussi s’impliquer. En théorie... « Il n’y a pas de réponse collective, de l’entreprise, pas de dialogue social sur ces usages-là. Il est très rare que lorsque l’on équipe un cadre, ou n’importe quel salarié, d’une technologie nomade, que cet acte soit accompagné d’un discours officiel sur ce qui est vraiment attendu d’eux. Et comme il n’y a pas de prescription de l’entreprise, c’est finalement l’injonction d’être connecté en permanence qui prime, puisque ces outils sont faits pour cela. Et quand on est cadre, que l’on a des responsabilités, et que l’on est passionné par son travail, eh bien on a envie d’être surinvesti, très engagé dans son entreprise. C’est une réponse à l’idéologie du travailleur contemporain, passionné par son travail et qui ne vit que par ça. L’entreprise, en ne disant pas clairement ce qui est attendu de ces usages-là, participe fortement à cette injonction. »

  • Et si la « loi travail » a imposé un principe de « droit à la déconnexion », peu contraignant cela dit, les cadres rencontrés par Cindy Felio auraient tendance à rejeter un trop fort contrôle sur leurs usages. Car d’eux-mêmes ils savent distinguer les outils, pas nocifs en eux-mêmes, et les utilisations qui en sont faites, parfois problématiques. Ils sont même contre la déconnexion forcée ! 


A lire sur : 
https://le-cercle-psy.scienceshumaines.com/etre-partout-tout-le-temps-tout-de-suite-les-risques-de-l-hyperconnexion_sh_37916