une personne sur cinq est hypersensible « trop pour être un trouble mais pas assez pour être bien compris par la majorité des personnes ». (Livre de Saverio Tomasella, Eyrolles).
Vous évitez les conflits ? Un bruit, une odeur ou une sensation trop forte vous empêchent de vous concentrer ? Vous ressentez le besoin de vous isoler face aux situations stressantes ? Vous êtes peut-être hypersensible. Si c’est le cas réjouissez-vous : l’heure est venue d’accepter votre différence.
Selon la psychologue américaine Elaine Aron, une personne sur cinq est hypersensible « trop pour être un trouble mais pas assez pour être bien compris par la majorité des personnes ». Depuis la publication de son best-seller en 1996, de nombreux auteurs tentent de décrire avec justesse ce trait de caractère. Le psychanalyste et écrivain Saverio Tomasella est l’un d’entre eux. Dans Hypersensibles. Trop sensibles pour être heureux ? (ed. Eyrolles), il dresse des portraits tout en nuances de ces personnes qui ressentent la vie plus fort.
On y apprend d’abord qu’être hypersensible, c’est se sentir en décalage avec les autres. Jusqu’à se croire anormal ou avoir peur de basculer dans la folie. Avec méthode, l’auteur s’attache à déconstruire les préjugés et à sortir l’hypersensibilité de la case « symptôme » ou « maladie ». La sensibilité est le propre de l’âme humaine. Si elle est vue comme excessive, ce n’est qu’à travers les yeux de la personne qui regarde.
D’ailleurs « les personnes d’une très grande sensibilité ne se ressemblent pas forcément » prévient Saverio Tomasella. « Certaines sont très impressionnables, d’autres très expressives. Certaines sont particulièrement réservées ou timides, d’autres expansives et exubérantes ». Alors, qui sont au juste les hypersensibles ?
Des émotions « à vif »
Comme dans la célèbre chanson de Johnny Cash, les hypersensibles marchent sur le fil. Les sensations qu’ils perçoivent les touchent de plein fouet et perturbent leur équilibre. Leur entourage les trouve « à vif », « à cran » mais aussi « à fleur de peau » et peine à suivre leurs changements imprévisibles de comportement.
Les émotions des hypersensibles sont parfois hors-de-contrôle. La beauté les émerveille, c’est pourquoi ils la recherchent au quotidien. Un paysage, une mélodie ou un film et les larmes leur montent aux yeux...
Inquiets et angoissés
Mais ils peuvent aussi fuir ce trop-plein émotionnel difficile à gérer. En accumulant les excès (drogue, alcool, sexe) ou en « anesthésiant » inconsciemment leur émotivité. Dans son titre « A fleur de peau », Matthieu Chédid chante par exemple « J'étais desséché / Je n'avais pas pleuré / Depuis longtemps / Je suis / Ton pot de fleur / Je suis / À fleur de peau ». Cette fausse insensibilité peut conduire à une certaine dureté, ou une froideur face aux évènements.
Car en ressentant les émotions « puissance mille », les hypersensibles n’échappent pas aux émotions douloureuses, telle que l’angoisse. Saverio Tomasella relate le témoignage d’une de ses patientes qui dit ressentir les pires angoisses quand elle attend une nouvelle ou un coup de téléphone qui ne vient pas « je crois que je vais devenir dingue ! ». Pour un autre patient, l’angoisse survient dans des moments de grande solitude sous la forme d’une « douleur brûlante et lancinante qui tenaille ou déchire l’intérieur de l’être. »
Sensibles au regard des autres
Les hypersensibles ont un rapport à l’autre particulier. Saverio Tomasella explique « une forte sensibilité peut fréquemment se manifester par de la réserve, de la timidité, ou par certaines formes de susceptibilité ou d’instabilité ». L’émotion est tellement intense qu’elle est difficile à exprimer. Cette sensibilité les pousse parfois à vouloir rentrer dans leur carapace, se couper du monde et de la foule. Ils se ressourcent dans le silence, le calme et la lenteur.
Les hypersensibles se fondent-ils pour autant dans le décor ? Pas pour le psychanalyste « Les personnes timides, bien que réservées, peuvent paraître fantasques à leur entourage du fait de goûts, d’habitudes ou de marottes qui surprennent les autres. Ainsi, une très grande sensibilité va souvent de pair avec une forte originalité. » Pour autant, ils assument souvent mal leur différence et souffrent d’une mauvaise estime d’eux-mêmes.
Empathiques à l’extrême
Bien qu’ils apprécient la solitude, les hypersensibles sont généralement des soutiens précieux pour leurs proches. Empathiques et attentifs, ils partagent les joies, comme les souffrances. Leurs amis les décrivent comme des personnes sociables, joyeuses et enthousiastes.
Mais à vouloir tout le temps faire plaisir aux autres, les personnes très sensibles peuvent petit à petit s’oublier. D’autant plus qu’elles n’imaginent pas vivre sans l’autre. Elles ont un grand besoin d’affection et plus que tout peur de l’abandon ou de la trahison. Dans « Ne me quitte pas », Jacques Brel chante par exemple « Je ne vais plus pleurer / Je ne vais plus parler / Je me cacherai là / A te regarder / Danser et sourire / Et à t'écouter / Chanter et puis rire / Laisse-moi devenir / L'ombre de ton ombre / L'ombre de ta main / L'ombre de ton chien ».
Apprivoiser sa sensibilité
L’hypersensibilité : une chance ou un calvaire ? Pour Elaine Aron, « la sensibilité est tout sauf un défaut. Beaucoup de HSP sont souvent des travailleurs particulièrement créatifs et productifs, des partenaires attentifs et réfléchis, et les individus doués intellectuellement. »
C’est une chose de reconnaître sa sensibilité, mais une autre d’arriver à l’apprivoiser. En mai 2012, Marion Cotillard déclarait lors d’une interview « J’ai toujours eu une grande sensibilité […] Heureusement, cette hypersensibilité aggravée est compensée par une nouvelle aptitude à rire de moi-même et de mes réactions émotives, qui peuvent être démesurées ». Savoir prendre du recul avec soi-même serait donc une première clé.
Alors, trop sensibles pour être heureux ? Saverio Tomasella conclue « À partir du moment où nous ne cherchons plus à tout contrôler mentalement ou inversement à nous laisser envahir par les débordements émotionnels, nous pouvons être et vivre dans le réel. Il est alors possible d’oser dire qui nous sommes : ce que nous sentons, imaginons et pensons. Aussi n’est-ce pas un hasard de constater que plus notre sensibilité est développée, plus nous sommes vivants ». Et vous, comment vivez-vous votre sensibilité ?
Hypersensibles. Trop sensibles pour être heureux ? par 7 Tomasella. Eyrolles, 208 p., 18 euros (2012).