Est-ce que tous les vilains petits canards deviennent des cygnes ?


Le vilain petit canard est le titre du conte anthropomorphique que tout le monde connait d’Hans Andersen, écrivain danois prolifique du 19ème siècle.
En pleine vague romantique noire, il publie ce conte non destiné exclusivement aux enfants où il règle ses comptes avec son passé : moqué enfant, différent et rejeté, il est devenu par la suite le grand d’écrivain que l’on sait.
Ce qui était un handicap, s’est révélé être un atout.
Ce qui était une différence, une anormalité, lui valant d’être rejeté par ses pairs, est devenue un don, lui valant d’être adulé, un conte de fées en somme, lui qui savait si bien les écrire.
Mais tous les gens différents, anormaux, handicapés, rejetés, exclus deviennent-ils ou sont-ils des gens talentueux en puissance ? Tous les canards différents deviennent-ils des cygnes blancs (ou le sont-ils sans le savoir) ?
Cette thèse du génie incompris, romantique par excellence, est ô combien alléchante pour les handicapés, que nous sommes, souffrant de nos différences, intrinsèquement inadaptés à la société, passant douloureusement pour des canards ratés.
C’est la thèse de Gail Saltz, psychiatre auteur de « the power of différent », qui a étudié le lien entre comportement original et pensée créative, entre le désordre et le génie, à partir  de l’observation de son frère l’astrophysicien Adam Riess, prix Nobel de Physique en 2011. Il a mis en évidence que des personnes souffrant de dépression, de dyslexie, d’autisme et d’autres défis psychologiques ont contre toute attente, comme une contrepartie, un pendant à leurs carences et fragilités, réalisé de grandes choses,  de grandes découvertes.
Encore faut-il vivre dans des conditions propices à l’expression de ses dons, que serait devenu Mozart s’il n’était pas ne dans une famille de musiciens, ou Einstein, s’il avait  dû travailler dur pour gagner son pain, sans passer par la case université  ?
Que serait devenu le cygne d’Andersen, s’il était resté dans la famille des canards ?
Terminons par une pirouette simpliste mais réaliste et pleine de modestie : à défaut d’être tous des génies, pourquoi ne pas accomplir de petits ou grands desseins, défendre des causes, rester des canards boitillants, certes, mais à leur manière aussi beaux que des cygnes ?
C’est possible, “nous sommes nos choix”, disait Sartre.
Nous avons la capacité de nous changer, disent Christophe André et Antonio Damasio, chacun à leur manière, le premier dans la psychiatrie et le second dans les neurosciences.
A nous de jouer !

Emmanuelle Douriez-Nicou
Présidente association et mouvement Psy'hope