Les différentes disqualifications et le sentiment d’incompétence jouent sur l’estime de soi et peuvent entraîner souffrance, voire dépression (Les Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale).

Certaines personnes peuvent avoir le sentiment d’être incompétentes, sans capacité ni talent, « nulles », voire idiotes. Cette perception, qui devient peu à peu une certitude, attaque l’estime de soi et leur fait perdre foi en eux-même. La personne se sent disqualifiée.
D’où provient cette impression de manquer de valeur ?

Le monde qui nous entoure participe à la création de ce ressenti et parfois le crée de toutes pièces : des mots prononcés à la va-vite, un regard dédaigneux, des réactions disproportionnées … ces comportements peuvent affecter l’estime de soi.

A contrario, l’affirmation de soi, la confiance en soi, la capacité à être consistant (avec soi-même) et la connaissance de ses atouts peuvent soutenir la construction ou aider à la consolidation de l’estime de soi.

Cet article écrit par issu de De Visscher Héloïse, « Quelques disqualifications. Le sentiment ou ressenti d'incompétence », Les Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale, 2013/3 (Numéro 99-100), p. 429-444. DOI : 10.3917/cips.099.0429. URL : https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-internationaux-de-psychologie-sociale-2013-3-page-429.htm, fait le point sur la disqualification (plus précisément le sentiment d’incompétence) et sur sa construction sociale, et comment on peut lutter contre (la résilience).

Plan de l'article :

  1. Introduction
  2. Qu’est-ce que la disqualification ? Qu’est-ce qu’un sentiment d’incompétence ?
  3. Quelques implications liées à l’estime de soi
  4. Le sentiment d’incompétence dans l’enfance, l’école, l’adolescence, les relations amoureuses, le travail, … et tant d’autres
    1. Quelques phrases entendues…
    2. Les débuts …
    3. L’école, l’apprentissage, l’adolescence
    4. Travail, chômage …
    5. Relations amoureuses …
    6. Vieillissement et représentation des personnes …
    7. Effet de comparaison
    8. Questionnement
  5. La résilience
  6. Conclusion

Extrait :

"D’après William James (1890), la conscience que nous avons de notre valeur prend deux formes : la satisfaction et le mécontentement de soi. L’auteur explique que l’individu vit différents états affectifs. Certains éléments de notre vie nous amènent à ressentir de la satisfaction (plaisirs) ou de l’insatisfaction, voire de la honte.

Ces sentiments peuvent être provoqués (mais non déterminés) par ce que nous avons fait dans le monde et par la position que nous y occupons. « Celui qui a entassé bévues sur bévues, que ses échecs retiennent au pied de la colline, enlisé dans une vie médiocre, sera la proie naturelle de la défiance maladive de soi et se dérobera devant des entreprises cependant proportionnées à ses forces » (James, in Bolognini et Prêteur, p.48-55)

Dès lors, James avance l’idée que la satisfaction et son contraire, la honte, sont des « émotions originales ». Par ailleurs, il se concentre sur deux notions : la rivalité et le conflit entre les différents « moi ». Ces concepts relèvent d’un choix : lorsqu’un individu souhaite plusieurs choses, il faut parfois en privilégier une et laisser les autres de côté. Nous sommes incapables d’être « tout » en même temps, bien que l’on puisse le désirer parfois.

J.-J. Goldman, C. Fredericks et M. Jones l’illustrent dans leur chanson « Vivre cent vies »:


J’aimerais tant être au pluriel
Quand mon singulier me ronge les ailes
Être une star en restant anonyme
Vivre à la campagne mais en centre ville
Effacer mes solitudes
Sans dieu, ni famille et sans habitude
Blanche princesse, ou masseuse à Bangkok
Sage philosophe et puis chanteur de rock


James explicite qu’on ne peut réaliser tous ses désirs, qu’ils peuvent être en contradiction. Aussi faut-il effectuer un choix. « Tous les autres moi se volatilisent; toute la réalité est pour le moi choisi et ses diverses fortunes : ses échecs sont de vrais échecs qui engendrent de vraies hontes, ses triomphes de vrais triomphes qui engendrent de vrais bonheurs. »"

Conclusion :

"Il nous semble essentiel de nous interroger sur les disqualifications et plus particulièrement le sentiment d’incompétence et ce qui le « crée ». Notre environnement a un impact sur nous-mêmes et nous participons également aux influences sociales. Nous pouvons ressentir de la disqualification mais nous pouvons également la faire vivre à d’autres.
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Lorsqu’un individu s’estime incompétent, une partie de cette évaluation peut provenir d’une création sociale. Dès lors, la personne doit effectuer un travail lourd mais nécessaire pour se détacher de ce sentiment et avoir à nouveau confiance en ses compétences.
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Cependant, lorsqu’un individu participe à la création de sentiments d’incompétence chez une autre personne, il n’en a pas forcément conscience. Il reste que son attitude aura un impact. Il nous paraît donc important d’être attentif à ce que nous pouvons renvoyer aux autres.
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L’attention portée à cette problématique est cruciale, afin de permettre aux individus de faire face à leurs émotions et sentiments, puis de prendre distance de celles qui sont négatives et qui les entraînent vers le bas. L’action pour un mieux-être doit se faire dans la réflexion et la compréhension de ce qui se passe. La prise de conscience permet ainsi d’affronter et de dépasser les difficultés, sans pour autant nier leur importance.
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Par ailleurs, nous pouvons nous interroger sur ces multiples disqualifications d’un point de vue sociétal. Que peut mettre en place la société pour surmonter ces difficultés et augmenter l’estime de soi ?
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Il existe des ateliers travaillant sur cette problématique, un travail sur le regard de l’autre, sur sa perception. Qu’est-ce qui est instauré autour de nous et que pouvons-nous créer pour être acteurs de changements face à ces phénomènes ?"