Comment gérer les vagues émotionnelles qui nous submergent et nous donnent une envie réflexe de manger ? (L'impulsivité alimentaire, JP Zermati du G.R.O.S)

Image parElias Sch. de Pixabay
"Pour utiliser une métaphore, nous pourrions imaginer nos patients engagés dans une fuite en avant pour tenter d’échapper à une vague émotionnelle qui les poursuit. Malgré tous leurs efforts, ils finissent toujours par être rattrapés et submergés par cette émotion. Une autre solution serait d’arrêter de courir et de se retourner pour faire face à la vague, l’observer venir et la laisser passer."


Qui n'a jamais ressenti l'envie irrépressible de manger au bruit de la cloche de ses émotions, tel le chien de Pavlov, lira cet article sans passion, les autres le dévoreront.

La prévalence de la "frénésie alimentaire" dans les troubles bipolaires est notable :

"La comorbidité du BED et de la maladie bipolaire n’a encore été que peu étudiée mais la prévalence du Binge Eating Disorder (BED)
semble 7 à 8 fois supérieure dans le trouble bipolaire à celle observée en population générale. Il est intéressant de noter que le BED
précède souvent dans sa survenue le trouble bipolaire. Ces comportements pourraient être en rapport avec une automodulation de l’humeur, les compulsions alimentaires
agissant comme un mécanisme compensateur par l’intermédiaire de l’action des hydrates de carbone sur le système sérotoninergique."
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 511-4, cahier 2

  • L'impulsivité alimentaire est cette envie réflexe de manger lorsque certaines émotions surviennent. Elle résulte d'un mécanisme, un conditionnement, un renforcement négatif qui a eu lieu (au cours de la vie), l'aliment, dès lors, permet de soulager un état de tension émotionnelle. Mais elle empire, plus ce mécanisme est sollicité, plus il sera sensible à la moindre émotion, même la plus faible et la dépendance aux aliments s’accroîtra.
  • De plus, ce mécanisme entraîne avec lui des émotions négatives (celles de craquer, de ne pas avoir de volonté, de grossir ou peur de grossir...), qui accentuent le phénomène. Cercle vicieux dont il est difficile de sortir et qui entraîne une intolérance émotionnelle de plus en plus importante
  • Face à cela, 2 comportements :

- tenter de réduire les déclencheurs émotionnels
- tenter de lutter contre les envies de manger.  

qu'il est difficile de tenir et dont on sort la plupart du temps grands perdants.

  • Une 3 ème voie proposée par le DF ZERMATI :

- augmenter la tolérance du patient à ses inconforts émotionnels
- l’entraîner à mieux supporter ses émotions, les observer et non s'y soustraire avec des prises alimentaires.

"Pour utiliser une métaphore, nous pourrions imaginer nos patients engagés dans une fuite en avant pour tenter d’échapper à une vague émotionnelle qui les poursuit. Malgré tous leurs efforts, ils finissent toujours par être rattrapés et submergés par cette émotion. Une autre solution serait d’arrêter de courir et de se retourner pour faire face à la vague, l’observer venir et la laisser passer. Mais résister à la force d’une vague sans être emporté par celle-ci n’est pas si simple. C’est à ce moment qu’il faut pouvoir disposer de ressources, ou en construire de nouvelles, afin de se maintenir, sans chercher à s’enfuir, dans cette situation d’inconfort émotionnel.
La pleine conscience nous entraîne à observer et accueillir nos émotions. Cette technique nous apprend à détecter les sensations physiques et les pensées désagréables qui les accompagnent, à les observer avec une curiosité détachée et sans jugement. Elle nous permet ainsi de nous maintenir dans des situations d’inconforts physiques et émotionnels et d’augmenter ainsi notre tolérance à ces situations."
Les programmes de thérapie basés sur la pleine conscience sont validés pour de nombreuses indications et présentent des résultats intéressants. Ces programmes ne sont actuellement pas adaptés pour être appliqués tels quels aux troubles du comportement alimentaire. Ils constituent néanmoins une piste très sérieuse de réflexion pour la prise en charge de l’impulsivité alimentaire. "

Source : Jean-Philippe ZERMATI
Médecin, Psycho nutritionniste, Psychothérapeute
En 1998, a créé avec deux psychiatres les Docteurs Gérard Apfeldorfer et Bernard Waysfeld, le Groupe de Réflexion sur l'Obésité et le Surpoids. A l'origine, le but de cette association était de réunir des praticiens médecins généralistes ou spécialistes, diététiciens, psychologues, infirmiers...opposés à la pratique des régimes amaigrissants qu'ils jugeaient inefficaces et dangereux pour la santé et pour le poids. Progressivement l'association s'est imposée comme un lieu d'échanges, de réflexion et de formation.  Elle a surtout développé l'approche bio-psycho-sensorielle, une nouvelle prise en charge du surpoids et des troubles alimentaires.


  • Vidéo sur les envies émotionnelles de manger :