Les événements ne sont responsables qu’à hauteur de 10% de notre bonheur. "Le bonheur et la psychologie positive", Dr Fanny Jacq, psychiatre (Doctomag par doctoconsult)

Les événements ne sont responsables qu’à hauteur de 10% de notre bonheur. D’après elle, le reste est surtout conditionné par notre façon de penser, nos choix, nos attitudes.La psychologie positive, qu’est-ce que c’est ? ça n’est pas la méthode Coué, ça n’est pas se voiler la face et se cacher la vérité, ça n’est pas la pensée positive, c’est simplement essayer de voir les situations du quotidien sous un autre angle, en prenant du recul, en gardant son objectivité. Comme dirait Nietzsche     « il n’y a pas d’événement, il n’y a que des interprétations d’évènements»

"Le bonheur et la psychologie positive"
article du Dr Fanny Jacq
sur Doctomag by doctoconsult

Le bonheur en théorie


Le bonheur n’est pas un état stable de béatitude atteint une fois pour toutes et à l’abri des coups durs que réserve la vie. Il se compose plutôt d’une multitude d’instants de joie, de la pratique régulière d’activités qui font sens et de leur recherche dans les petits moments de la vie.

D’après Sonja Lyubomirsky, qui dirige le laboratoire de psychologie positive de l’université de Californie, les événements ne sont responsables qu’à hauteur de 10% de notre bonheur. D’après elle, le reste est surtout conditionné par notre façon de penser, nos choix, nos attitudes. Il existerait donc une aptitude au bonheur, et nos pensées influenceraient la qualité et les évènements de nos vies.

La psychologie positive est donc cette nouvelle branche de la psychologie, une discipline scientifique, qui étudie les pistes concrètes pour dynamiser notre bonheur. La bonne nouvelle, c’est que cette forme de psychologie s’adresse à tout le monde. Elle vise l’accroissement du bien être des individus ainsi que l’amélioration des structures sociales dans lesquelles ils s’inscrivent.

Bref, le bonheur ça s’apprend, ça se travaille, ça s’entretient, et c’est plutôt une bonne nouvelle car cela signifie qu’on y a tous droit, avec un peu d’entrainement !

Avant de passer à la pratique, un peu de théorie ! Même s’il est difficile de donner une définition du bonheur, puisqu’il s’agit d’un ressenti émotionnel très personnel, on peut malgré tout en ébaucher des contours communs à tous, avec 4 ingrédients principaux qui le composent :

– La joie : il s’agit de tout le champ des émotions agréables ( la fierté, l’enthousiasme, le plaisir…). Cette émotion a hélas une durée de vie limitée, elle est vécue lors de certains moments particuliers, c’est un bonheur en pic, intense mais bref, en sprint plus qu’en endurance.

– L’engagement dans des activités qui ont un sens pour nous : faire des choses que l’on aime, qui compte pour nous.

– Le contentement : C’est-à-dire la satisfaction ressentie lors du travail ou de la tache accomplis.

– La sérénité : c’est l’esprit en paix, libre, libéré.

De nombreuses études ont démontré que l’argent, le statut social, la beauté, la jeunesse ni même la santé ne sont pas des facteurs éprouvés de bonheur, « ils ne font pas le bonheur » comme on dit.
En revanche certains autres facteurs ont été identifiés par des recherches.

– Les relations sentimentales, sociales, amicales. Vivre en couple influe significativement sur le degré de bonheur affiché selon de nombreuses études. Avoir des amis et un entourage social important est également un bon facteur d’aide au bonheur. La stimulation suscitée par des relations interpersonnelles semble nécessaire au bien être, car l’important est de partager avec un entourage des expériences de vie.

– Le goût de l’activité : le travail, les loisirs actifs, le sport, les activités bénévoles contribuent à la satisfaction personnelle. En revanche, l’oisiveté, les loisirs passifs tels que rester avachi devant la télé ne contribuent pas au bien être car ce qui compte c’est le sens, le but, l’objectif de l’activité.

– La foi : Les études sont toutes concordantes à ce sujet : les personnes qui entretiennent des croyances religieuses et une pratique régulière de cette religion se disent plus heureuses. Cela est sans doute lié au sentiment d’attachement à une communauté possédant des valeurs communes.


Les études ont également démontré qu’il y a une participation génétique au bonheur, et oui ! certains d’entre nous sont plus naturellement fait pour le bonheur, car ils sécrètent avec plus de facilité le fameux neuro transmetteur du bien être : la sérotonine. Certains traits de personnalité vont également être facilitateurs du bonheur : les personnalités ouvertes, avenantes, sensibles, vont plus facilement goûter à la joie ou à la sérénité.

Enfin, on pourrait se dire que les événements de vie positive vont contribuer à notre bonheur, et pourtant c’est loin d’être le cas ! Le cerveau humain a de très fortes capacités d’adaptation, ce qui est plutôt un plus dans de nombreuses circonstances, mais qui peut aussi être parfois un inconvénient. En effet notre cerveau va rapidement s’habituer à être plus riche, à avoir un meilleur travail, à avoir une plus belle voiture ou une plus grande maison, et il nous en demandera toujours plus.

En revanche l’altruisme, la générosité, l’investissement personnel envers les autres est une véritable source de bonheur durable. Il y a quelques années, une étude réalisée par des sociologues américains en a démontré le principe : 2 groupes de 50 personnes ont été constitués. Le premier groupe a reçu 50 dollars par jour pendant 2 mois, et il devait dépenser quotidiennement cette somme pour lui-même. Des auto questionnaires évaluaient de façon hebdomadaire le bonheur ressenti. Élevé la première semaine, le bonheur ressenti a atteint un plafond (habituation) et à la fin de l’expérience, on observait même une décroissance (lassitude, la somme n’était pas suffisante…) Le second groupe a reçu 50 dollars quotidiennement sur la même période, mais cette somme devait être dépensée chaque jour pour faire plaisir à une personne de son entourage. Les mesures montrent que le bonheur ressenti n’a fait que croitre, sans plafond, pendant 2 mois. Les phénomènes d’habituation et de lassitude n’ont pas été ressentis !

Pour conclure, le bonheur est donc à notre portée à tous, et en grande partie indépendant des événements que nous vivons. Reste à savoir quels sont les moyens efficaces pour l’amplifier !

Le bonheur en pratique, la pratique du bonheur

Compliqué de résumer en un article tous les exercices et les petites méthodes de psychologie positive qui existent afin de s’entrainer au bonheur, mais en voici les bases ainsi que quelques exemples.

Le bonheur repose sur un triptyque simple :
Pour éprouver du bonheur, il y a des choses à faire (= Actions), des façons de penser ( = Pensées), et une façon d’être au moment présent ( = Conscience).  On peut donc améliorer son bonheur en travaillant sur ces 3 catégories.


a. Actions


Ce qui rend malheureux, c’est l’inaction, l’hésitation, le non choix qui nous bloque, mieux vaut agir et avoir des remords que ne rien faire et avoir des regrets ! Évidemment, il faut agir de manière sensée, mesurée, par étapes, pour s’entrainer progressivement à des changements durables. Le bon compagnon pour ces exercices est un joli cahier que vous tiendrez quotidiennement à jour. Par exemple, on se fixe régulièrement des petits objectifs de vie réalistes, mesurables, atteignables, on sélectionne des situations de vie et on se récompense lorsque l’objectif est atteint.

On peut aussi se lister le soir les bonnes actions accomplies dans la journée (avoir aider une personne âgée à traverser, avoir encourager sa secrétaire…), on tient un petit journal de nos contentements (j’ai enfin rangé mes papiers, j’ai enfin nettoyé ma voiture etc…).

Le matin, on se note les petits plaisirs qu’on va avoir dans la journée, les « petits kifs », comme prendre un café avec une amie, traverser un jardin pour aller travailler… On prend aussi conscience de la chance qu’on a, on tient un cahier des gratitudes : notre frigo est plein, l’eau de notre douche est chaude, notre lit est confortable et on a des vêtements propres chaque jour. Il est important de prendre conscience de ces bonheurs du quotidien, de ces privilèges,  et ne pas les considérer comme acquis.

On pense à être généreux, altruiste, on réfléchit à comment aider à embellir la vie des autres, on se fixe des journées de bonté avec des actes de générosité tournés vers une personne en particulier. Pensez à varier vos actes de générosité et les personnes auxquelles vous les destinez. Cela vous procurera encore plus de bonheur.

Et bien sûr on ne s’oublie pas ! Il y a du bon à penser à soi… Alors on multiplie aussi les petits plaisirs destinés à soi-même, il est important de renouer avec le plaisir simple d’activités agréables et de les savourer comme :

Se faire un bon film, se poser et lire un magazine, se promener dans un jardin et s’étendre au soleil, faire un bouquet, bricoler, peindre, faire du vélo, manger dans un bon resto, contempler des œuvres au musée, danser et chanter sur de la musique à fond, rire etc…

Enfin, on prend soin de soi ! On sourit, on soigne son alimentation, on pense à se détendre et à ralentir le rythme ne serait-ce que 10 minutes par jour, on fait des activités physiques, on prend un peu de temps pour des activités spirituelles, on essaie quotidiennement d’atténuer le stress…. Bref autant de pistes qui mériteraient à chacune un article entier !!


b. Les pensées


Voici une citation que j’aime beaucoup :
« Surveille tes pensées, elles deviendront tes paroles.

Surveille tes paroles, elles deviendront tes actes.
Surveille tes actes ils deviendront tes comportements.
Surveille tes comportements ils deviendront tes habitudes.
Surveille tes habitudes, elles deviendront ton caractère.
Surveille ton caractère, il deviendra ta destinée.
C’est la pensée qui fait l’Homme. »


C’est la base de la thérapie cognitive : nos pensées influencent nos comportements, notre entourage, les évènements de notre vie. Un optimiste va être ouvert aux autres, générer de bonnes ondes et provoquer de bons événements car il est à l’écoute de son entourage et des opportunités, on se dira «comme il a de la chance ! », mais en fait il aura provoqué sa chance. A l’inverse un pessimiste, par une attitude fermée et méfiante, risque de provoquer ce qu’il craint.

Attention donc à nos pensées négatives, qu’on a tendance à maximaliser au détriment du reste de nos pensées pourtant plus rationnelles. On en est tous victimes et il est important d’identifier ces mécanismes en nous et de les corriger jour après jour. Sinon on risque de provoquer l’événement qu’on redoutait. Un exemple concret : Il y a quelque temps je donnais un cours à la fac, et manque de chance, l’étudiant situé juste devant moi baillait à s’en décrocher la mâchoire. Ma première pensée est négative : « Ouille, mon cours est ennuyeux ». Du coup, si je reste sur cette pensée, que va-t-il se passer ? Je risque de me déconcentrer, d’être focus sur cet étudiant qui baille, de perdre le fil de mon cours qui en effet deviendra ennuyeux. C’est ce qu’on appelle la croyance auto réalisatrice, ou comment partir d’une fausse croyance et la faire devenir réelle !

Si j’arrive rapidement à développer des pensées alternatives plus rationnelles telles que : « il baille car il est fatigué, il a du mal dormir. Ou bien peut être que lui s’ennuie, mais les 99 autres étudiants sont en train d’écrire et de travailler donc au final 1% d’étudiants qui s’ennuient c’est très peu ! » Je reste focus sur mon cours, je me motive, et mon cours ne perd pas en qualité.
Ces petites pensées négatives et parasites du quotidien sont à chasser et à travailler chaque jour, par le biais d’un cahier dans lequel on notera : la situation/ les émotions ressenties/ les pensées négatives/ nos comportements/ nos pensées alternatives.


c. La conscience


Pour être heureux il faut être !

Combien de fois passons nous à côté de petits bonheurs, pourtant bien réels, simplement parce que nous ne prenons pas la peine de les cueillir, tout préoccupés que nous sommes par nos soucis quotidiens ? Être heureux suppose que nous soyons capables de prendre conscience que nous le sommes. En d’autres termes, nous rendre présents au bonheur.

2 pistes complémentaires afin d’atteindre cette qualité de présence : l’état de flux, et la pleine conscience. L’état de flux est un moment dans lequel l’attention est totalement concentrée sur une activité dirigée vers un but, par exemple c’est ce que je ressens en ce moment en rédigeant cet article ! Le secret du flux est de faire taire momentanément les soucis en investissant toute l’énergie psychique disponible dans une action qui nécessite de la concentration.

L’activité choisie, pour déclencher le flux, ne doit pas être trop répétitive. Si on fait la même chose chaque jour « en pilote automatique » on ne sera pas concentré et l’esprit vagabondera du côté des soucis. Mais il ne faut pas non plus que l’activité soit trop ardue, sinon le stress et l’anxiété seront au rdv…Il y a donc autant de situations de flux que d’êtres humains, à vous d’identifier les vôtres ! L’alpiniste le ressentira quand il escaladera un passage difficile, l’homme d’affaires quand il signera un contrat important, l’avocat quand il rédigera un dossier épineux, la mère de famille quand elle exécutera les taches nécessaires à la bonne marche de son foyer et…à chacun ses expériences optimales.

L’état de pleine conscience est une façon d’habiter le moment présent pleinement, via la pratique de la méditation de pleine conscience ou mindfulness. Les expériences de flux s’inscrivent dans le domaine du « faire », et la pleine conscience est plutôt un état d’« être ». La pleine conscience nécessite un véritable entrainement, et consiste à être présent au réel, simplement, sans pensée, ou plutôt en étant observateur distant de ses pensées « comme un train qui passe ». Les études scientifiques ont toutes démontré que la pratique régulière de la méditation de pleine conscience diminuait considérablement les rechutes dépressives et les ruminations mentales.

Comme vous le voyez, il en faut peu pour être heureux, je déclare ouverte la chasse au Bonheur ! Tous à vos exercices

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