L'endroit où l'on dit "pouce !" #coping #ACT #mindfullness #sagesse #troublebipolaire #depression #anxiété #biaiscognitifs #estimedesoi - LinkedIn, article du 14.08.2019


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La vie est dure car si elle n’est pas faite de malheurs en permanence, elle est au moins faite d’insatisfactions, frustrations, échecs inévitables, les instants de bonheur et de malheur s’entrecroisent, aucun n’est durable.
Pour faire face à ces adversités, nous utilisons des stratégies diverses, qu’on appelle parfois le « coping » en psychologie de « To cope » : faire face.
Pour les personnes ayant des troubles de l’humeur ces adversités peuvent peser parfois si lourds qu’elles laissent KO, sans capacité de faire face. Les déséquilibres de leurs états émotionnels sont trop intenses, à la manière des personnes qui souffrent d’hypertension, ces états sont hors limites.
Peut alors se passer ce phénomène de caverne - fossé - ravin peu importe la métaphore employée pour désigner un endroit à l’écart dans lequel on tombe ou que l’on rejoint et dont il est très difficile de ressortir. Loin de la lumière, dans la terre, sans confort, sans rien.  Rien à voir avec l’allégorie de la caverne de Platon, ou un vague lien à partir du moment où l’on quitte un monde pour un autre, mais lequel est illusoire, lequel est intelligible ?
Un endroit protecteur aussi, où l’on n’a plus à être performant, caché de tous, loin de toute évaluation sociale douloureuse, loin de tout ce qu’on n’arrive pas à régler, un endroit où l’on peut faire une pause, où l’on peut dire « pouce ! ».
Un endroit où l’on craque, on pleure, on se lamente, on se flagelle, on se déteste, on s’accuse, on porte un regard terrible sur sa vie entière que l’on repeint en noir, où l’on se sent minable, irrécupérable, détestable….
Un endroit, comme une mise à mort, mais Réversible.
Ce n’est pas un scoop, un épisode dépressif peut être un temps pour reprendre ses esprits, se reposer, faire le point, souffler, se détester pour mieux revenir ensuite à une vision modérée de soi-même, en nuances, ni en noir et blanc, ni en tout ou rien, accepter le fait de n’être qu’imparfait, après s’être vu en zéro pointé, inaimable à jamais.  
Le but de ce texte est de se dire qu’il faut peut-être accepter ce passage, ce moment, cet endroit où l’on va pour dire « pouce ! ». Si l’on ne peut y échapper, autant accepter de s’y laisser glisser sans lutte, tel un condamné qui va dignement à l’échafaud, résigné, mais là, il en revient.
Pour les grands pessimistes qui se soignent, cette idée est très utile car les rechutes sont inévitables. Constamment, ils doivent corriger leur regard sur la vie, régulièrement, ils doivent en retirer le désespoir, même si ce travail est rendu de plus en plus facile grâce aux mécanismes de la plasticité cérébrale scientifiquement prouvés désormais.
On peut lire à ce sujet Christophe André, Alexandre Jollien et Mathieu Ricard (a), ce dernier ayant écrit qu’il fallait accepter une fois pour toutes que « nous étions des intermittents du bonheur de la joie et de l’amour » et qu’il valait mieux éteindre une étincelle qu’avoir à éteindre un feu de forêt.
Ou Steven Hayes dans sa thérapie de l’ACT (b) qui met en avant la flexibilité psychologique en incitant la personne à vivre avec ses ressentis et ses pensées difficiles, dans une attitude d'acceptation plutôt que de lutte. « Quitter le champ de bataille intérieur ».
On peut se référer aussi à toute la sphère de la « pleine conscience » (ou Mindfulless en anglais) (c) et (d), qui préconise d’accueillir et non de lutter contre ses pensées et émotions négatives.
Mais accueillir peut parfois être trop dur au point d’avoir d’abord besoin de se retirer du monde.
Arrêter provisoirement le réel pour mieux l’accepter ensuite.
Dire « pouce ! », partir dans sa caverne le temps qu’il faudra !
Comme un pied de nez magistral à la tentation d’un clap de fin irrévocable...



(a) Trois amis en quête de sagesse, Christophe André, Matthieu Ricard, Alexandre Jollien (un Psychiatre, un Moine et un Philosophe)
(b) Penser moins pour être heureux, Steven C. Hayes et Spencer Smith - Thérapie ACT : Acceptation et Engagement : accepter son passé, ses peurs et sa tristesse, ici et maintenant
(c) Où tu vas, tu es, Jon Kabat Zin - Apprendre à méditer pour se libérer du stress et ses tensions profondes
(d) Je médite jour après jour, petit manuel pour vivre en pleine conscience, Christophe André, Psychiatre.