Le travail est un facteur de rétablissement, tout comme les autres rôles sociaux. Donc l'inclusion sociale peut et doit démarrer avant le rétablissement dont elle est un des ingrédients ("Pour des usagers de la psychiatrie acteurs de leur propre vie"de GREACEN, Tim; JOUET, Emmanuelle)

Illustration. Les routes difficiles mènent aux destinations magnifiques.
 de Hello I'm Nik sur Unsplash 

La personne souffrant d’un trouble mental doit aussi se remettre de la stigmatisation dont elle a si souvent été victime et qu’elle aura si souvent internalisée au plus profond de son être. Elle doit se remettre des effets iatrogènes des traitements, du manque d’opportunités récentes pour gérer sa propre vie, des effets secondaires négatifs du chômage et des rêves brisés (Deegan, 1993). Les gens étiquetés « malades mentaux chroniques » peuvent se rétablir et se rétablissent effectivement, quelles que soient les idées négatives qui circulent à leur sujet (Anthony, 1993 ; Deegan, 1993 ; Boevink et coll., 2006).
  • L’expérience d’une maladie mentale grave change la vie, avec un impact souvent négatif sur la vie professionnelle et sociale ainsi que sur la relation avec la famille et les amis. Nombreux sont ceux qui ne parviennent pas à retrouver leur place sur le marché du travail et sont donc en risque d’exclusion sociale.
  • Il est reconnu aujourd’hui que la mise en invalidité génère de l’exclusion tout autant professionnelle que sociale (OCDE, 2009). Les personnes ont à faire face à un système illisible et complexe, parsemé d’acteurs hétérogènes et de notions qui se superposent : « inaptitude » pour les médecins du travail, « invalidité » pour la sécurité sociale, auxquelles s’ajoute la notion de « restriction de la capacité de travail » pour les Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).
  • Être « en voie de rétablissement » désigne le fait de mener une vie digne, riche, sans danger, une vie que l’on a choisie et ce, avec la maladie psychique, et non le fait de ne plus ressentir les signes, symptômes et déficiences associés au trouble. Ainsi, être en voie de rétablissement revient à vivre avec un handicap psychique, à quoi vient s’ajouter la connotation d’une prise en main de sa vie par l’intéressé, qui s’attache à rechercher les moyens de gérer et de compenser son handicap au lieu de sombrer dans le désespoir ou la résignation.
  • Bien plus qu’une source de revenus, le travail serait facteur  d’épanouissement par la participation à la vie sociale et à la reconnaissance d’autrui. Pour cette raison, tout système social doit veiller à protéger le droit au travail et le droit de tous à s’y réaliser.
  • Aujourd’hui, les études internationales montrent que le travail atténue les symptômes, diminue la fréquence des rechutes, augmente la qualité de vie, l’estime de soi et améliore les contacts sociaux.
  • Si je dois « aller mieux » pour pouvoir reconquérir une place dans la société, et que reconquérir une place dans la société forme un ingrédient essentiel du fait d’« aller mieux », je me trouve coincé( e) et je le reste ; c’est là le destin tragique que se sont vu assigner des générations de personnes qui présentent une maladie psychique grave.
  • Les autres façons par lesquelles les praticiens empêchent l’inclusion sociale des personnes en voie de rétablissement : à titre d’exemple, une pratique qui reste étonnamment répandue est celle consistant à encourager une personne chez qui l’on vient de diagnostiquer une maladie psychique pour la première fois à abandonner tous ses espoirs et tous ses rêves de mener sa vie et d’apporter quelque chose aux autres, et à accepter, à la place, de mener une vie de « malade mental ».
  • Avoir un emploi joue un rôle central dans la vie d’un individu. Le travail donne un revenu, un statut social, une identité ; il permet de se situer, de se représenter par rapport à autrui. Si le travail est important pour la plupart des personnes, il a un poids particulier pour la personne mentalement vulnérable. 
  • Différents symptômes sont améliorés par l’emploi : les symptômes positifs, les scores de dépression, le contrôle de la consommation de substances toxiques, l’estime de soi, les relations aux autres, la satisfaction financière.
  • D’autres politiques empêchant l’inclusion sont fondées sur le postulat lourd de conséquences, selon lequel on doit être guéri ou s’être rétabli d’une maladie psychique avant de pouvoir jouer à nouveau d’autres rôles sociaux (d’une plus haute valeur que celui de patient en psychiatrie) : étudiant, salarié, ami, amant, locataire, voisin, fidèle d’une église, électeur, etc.
Extraits du Livre : GREACEN, T., & JOUET, E. (2012). Pour des usagers de la psychiatrie acteurs de leur propre vie (HORS COLL-SANTE) (French Edition). Réédité en 2019.


Par le rétablissement, l’inclusion sociale et l’empowerment, une personne vivant avec un trouble psychique devient actrice de sa propre vie, citoyenne à part entière, experte de son expérience. La réédition de l'ouvrage de Tim Greacen et Emmanuelle Jouet vient appuyer les avancées certaines de ces dernières années (Psycom). L'inclusion sociale se définit comme suit :  
« Lorsque les individus sont en mesure de participer pleinement à la vie économique, sociale et civile, lorsqu’ils disposent d’un accès suffisant aux revenus et à d’autres ressources (d’ordre personnel, familial, social et culturel) pour pouvoir bénéficier d’un niveau et d’une qualité de vie considérés comme acceptables par la société à laquelle ils appartiennent, et lorsqu’ils jouissent pleinement de leurs droits fondamentaux. »

http://www.psycom.org/Actualites/Pour-en-savoir-plus/Livre-Pour-des-usagers-de-la-psychiatrie-acteurs-de-leur-propre-vie-de-Tim-Greacen-et-Emmanuelle-Jouet